AFRIQUE : POUR DES PARLEMENTS 50-50 A L’HORIZON 2030

L’histoire de l’humanité a été écrite au masculin, par et pour l’homme qui régissait le pouvoir intellectuel. Ce paradigme est aujourd’hui remis en cause pour un monde meilleur.

Le Conseil Mondial pour l’Objectif de Développement Durable 5 (ODD 5), « Egalité entre les Sexes », a été lancé au mois de février 2019 à Dubai lors du World Government Summit. Dirigé par Son Excellente Mona El Marri des Emirats Arabes Unis, le groupe composé d’emminentes personnalités issues d’horizons divers s’est fixé comme objectif pour les deux prochaines années à oeuvrer pour une plus grande représentativité des femmes dans le champ politique et dans les parlements en particulier.

Dans cette tribune Dr. Halima Diallo, Spécialiste des questions de genre et Amadou Mahtar Ba, membre du Conseil mondial pour l’ODD 5, plaident pour des parlements 50-50 d’ici 2030.

Quelque soit la région du monde considérée, on observe généralement une crise de la représentation politique avec un très faible pourcentage de femmes dans des positions électives, notamment au parlement. La politique reste largement un quasi monopole masculin. Les hommes continuent d’occuper majoritairement les postes clés à presque tous les niveaux dans les sphères décisionnelles.

Au début du siècle, le modèle prégnant était celui des femmes inactives cantonnées au rôle de mères et d’épouses, dans le cadre d’une domination masculine qui instaurait une hiérarchie entre les sexes. Plus elles restaient à la maison, « à ne rien faire », plus elles faisaient honneur à la maison et à son chef. Les épouses-mères étaient idéalisées en tant que gardiennes de la morale et du devoir. Elles  travaillent gratuitement dans l’enceinte gardée de la maison et de la famille « au nom de la nature, de l’amour, de l’éducation des enfants ou du devoir maternel ». Ce travail invisible, travail domestique qui n’est pas réalisé pour soi mais pour les autres, se trouve déjà au cœur des réflexions féministes à la fin des années 1960.

De nos jours, le Bureau International du Travail (BIT) estime à 16 milliards d’heures approximativement le temps passé dans les tâches domestiques non rémunérées à travers le monde, dans une très grande majorité par les femmes.

Une analyse de l’évolution politique du monde montre, sans grande surprise, que les femmes ont mis du temps à investir le champ public. Il faut aussi rappeler que les femmes n’avaient pas le droit de faire des études supérieures. Elles étaient maintenues à l’écart des mathématiques, de la logique et de la technique. Elles ne pouvaient pas travailler dans l’espace public, ni conquérir certaines professions réservées aux hommes.

Les femmes accusent donc, malheureusement, du retard dans tous les domaines. Les partisans comme les adversaires de l’éducation des filles pressentent que le droit au savoir contient en son germe le droit à l’autonomie et au pouvoir.

Les femmes ne pouvaient pas non plus voter. Le premier pays à avoir accordé le droit de vote aux femmes fut la Nouvelle-Zélande en 1893. Dans les autres, ce droit a été donné plus tard et parfois après des luttes âprement menées par les mouvements de femmes.

Alors que le pouvoir a toujours été une fonction masculine par excellence, les femmes sont aujourd’hui nombreuses à souhaiter briguer des postes clés, à juste titre. Leur niveau d’instruction a augmenté. Les filles ont investi l’école et plus largement – elles sont de plus en plus diplômées. Cependant, plusieurs études indiquent qu’elles accumulent du retard et mettent plus de temps que les hommes dans leur carrière professionnelle.

La sous-représentation des femmes dans les instances de prises de décisions est-elle liée à un certain manque de disponibilité des femmes, car à l’évidence la plupart d’entre elles n’ont pas le même temps que les hommes? Leur défaut de disponibilité – du fait de la plus grande partie des charges domestiques qui leur est injustement assignée -semble expliquer la lenteur de leur carrière politique. La participation des femmes à la gestion du pouvoir devrait donc être une question de principe démocratique, un principe de gouvernance voire de droit. Quasiment dans tous les pays, les femmes constituent plus de la majorité de la population et ne pas prendre en considération leur point de vue et leur participation est une façon de pérenniser les inégalités de genre.

C’est en ce sens que le point 5.5 de l’ODD 5  appelle à: « Garantir la participation entière et effective des femmes et leur accès en toute égalité aux fonctions de direction à tous les niveaux de décision, dans la vie politique, économique et publique ». Cependant, il est clair que cette parité de représentation (50-50) entre les femmes et les hommes  restera un vain mot si l’idée d’égalité dans la multiplicité des différences individuelles ne vient pas l’accompagner.  Une démocratie sans les femmes n’en est pas une!

La mesure dans laquelle les femmes ont la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales, de présenter leur candidature, d’exprimer leur vote à bulletin secret et d’intervenir aux plus hauts niveaux décisionnels est une indication du degré d’inclusivité de la démocratie. Plus les femmes participent, en qualité d’électrices, de candidates, de responsables de partis politiques ou de membres du personnel des instances électorales, plus leur place en politique est reconnue.

A ce jour, plus de cinquante pays à travers le monde ont adopté des lois sur les quotas pour réguler la sélection ou l’élection de femmes aux mandats politiques. Durant la dernière décennie, un nombre croissant de parlements nationaux ont ainsi eu à modifier leurs constitutions ou leurs lois électorales dans ce sens, sans pour autant que cela soit nécessairement suivit d’effet.

Malgré tout, des progrès timides continuent d’être enregistrés à travers le monde. D’après l’étude annuelle réalisée par l’Union Interparlementaire (UIP) portant sur les femmes dans les hémicycles, leur part dans les parlements nationaux a augmenté de près d’un point de pourcentage en 2018, à 24,3 pour cent, contre 23,4 pour cent en 2017. Ce gain de 0,9 point vient confirmer la progression de la présence des femmes dans les parlements à un rythme légèrement plus rapide que les années précédentes. Les pays dotés de politiques de quotas par sexe efficaces ont élu beaucoup plus de femmes au parlement que ceux qui en sont dépourvus, à savoir 7 points de plus dans les chambres uniques ou basses et 17 points de plus dans les chambres hautes.

Les parlements représentent le lieu où un nouveau système de valeurs peut se construire à l’échelle d’une nation. Si les femmes s’engagent de plus en plus en politique c’est pour lutter contre les stéréotypes de tout genres, les inégalités de chances dans le système éducatif et sur le marché de l’emploi, les normes et les comportements qui limitent les choix des femmes, pour transformer les rapports entre les sexes. Il faut instituer de nouvelles règles, de nouvelles législations qui fixent équitablement les salaires et les conditions de travail mais aussi garantissent l’accès aux emplois, qui prévoient les services nécessaires pour qu’elles puissent, comme les hommes, développer leurs talents.

La prochaine décennie (2020-2030) est cruciale pour l’avènement d’un monde meilleur pour l’humanité toute entière allant dans l’esprit de l’agenda pour le développement adopté en Septembre 2015 par l’ensemble des pays membres des Nations Unies. Au moment où la communauté internationale célébre la journée internationale des femmes sous le thème « Penser équitablement, bâtir itelligemment, innover pour le changement » il est urgent de donner  à la représentation égalitaire des femmes dans les parlements toute l’importance qu’elle mérite.

https://fr.allafrica.com/stories/201903080680.html

Halima

Halima Titulaire d’un doctorat de psychologie sociale à l’Université Sorbonne Paris Nord, mes travaux de recherches sont centrés sur le féminisme et l’égalité de genre. En tant que travailleuse humanitaire et actrice de développement, je soutiens aussi l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes en participant à l’implémentation du genre dans plusieurs projets de développement. En 2022, j’ai été invitée par le chancelier Olaf Scholz, en tant que championne de l’égalité des sexes, à rejoindre le Conseil Consultatif de l’Egalité de Genre (GEAC) du G7 et à formuler des recommandations dans l’agenda des chefs d’Etats du G7. En tant que Championne de l'égalité des sexes du GEAC_G7, j'ai eu le privilège de représenter un groupe de nations puissantes engagées en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes. Mon rôle a consisté à plaider en faveur de politiques et d'initiatives qui visent à promouvoir l'égalité des sexes à l'échelle internationale.

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