A l’occasion de la fête des mères…

https://www.rfi.fr/ff/taskaramji/dinngiral-rew%C9%93e/20240528-alhaali-ngal-%C3%B1allal-teddiniraangal-neeniraa%C9%93e-nawninteengal-%C3%B1annde-26-lewru-5%C9%93uru-kala

A propos de la fête des mères, je me suis entretenue avec RFI Fulfuldé et j’ai répondu à ces trois questions…

1. Pourquoi la fête des mères n’est pas célébrée par les femmes dans le fouta ou en milieu rural ?

En milieu rural, il n’y a pas de jour spécial pour célébrer sa maman ou lui dire qu’elle est gentille et faire ses éloges. Dans toutes les cultures, la mère occupe une place centrale. Personne ne peut la remplacer. Pouvoir dire Maman, l’appeler est tellement réconfortant. Dans nos cultures africaines, ta mère peut-être aussi la grande sœur de ta mère, la petite sœur de ta mère, son amie, une femme qui aime la compagnie des enfants, une femme qui désire enfanter et prie le bon Dieu de lui faciliter une descendance…

La fête des mères est une fête occidentale peu connue par les femmes rurales qui sont souvent très occupées par les tâches domestiques et agricoles. Elles n’ont pas toujours l’accès à l’information. Elles ne sont pas sur les réseaux sociaux. Dès fois, elles n’ont pas été alphabétisées, elles ne peuvent pas lire et écrire. Elles n’ont pas toujours de smartphones ou même accès à internet.

2. Pourquoi cette journée de la fête des mères est uniquement célébrée sur les réseaux sociaux ?

Ceux qui célèbrent la fête des mères sur les réseaux sociaux sont majoritairement les citadins ou ceux qui ont une culture occidentale. Ils savent que cette fête est célébrée aux Etats-Unis au début du mois de Mai et en France, à la fin du mois de Mai.

Ils/elles profitent donc de l’occasion pour partager du contenu sur Facebook, Instagram etc. Ils partagent aussi des messages, des photos, des émotions, des souvenirs, des vidéos… Par exemple, une internaute peut publier une photo et tagger sa mère pour lui faire plaisir.

J’ai pu aussi observer sur les réseaux sociaux que certains hommes remercient leur mère et épouse. Il y a aussi des enfants qui célèbrent leur papa qui a joué le rôle de mère et de père. Les manières de fêter sont nombreuses.

Enfin, je dirai que c’est aussi une fête commerciale comme la Saint-valentin. A l’approche de la fête des mères, il y a énormément de publicités, de marketing. Des restaurants proposent des brunchs mères/filles, des magasins de vêtements sont en promotion sur certains articles : sacs, chaussures, robes…

3. Le rôle du gouvernement pour rendre cette journée plus impactante ?

Proposer plus des programmes pour mères et enfants ;Valoriser encore plus le statut de mères ;Proclamer la fête des mères comme une journée nationale, avec des événements officiels ;  Parler davantage des mères, de leurs rôles et de leurs défis dans les médias.

Halima

Pour terminer, un hommage à ma mère (partie depuis bientôt 10 ans)

Une mère attentionnée, pieuse, généreuse sur tous les plans, mon modèle et mentor. En puular, voilà ce que j’ai dit :  

« Debbo djoom diné, djoom sutura, djooka enaam, deffo eené rokka, enné gnamina, debbo djadj ooo, ko mbada eh modjéré o womi ko sédé »

PLUS DE HeforShe AU SENEGAL ?

Aujourd’hui, de plus en plus de femmes qu’auparavant sont les dirigeantes de grandes entreprises ou d’organisations politiques… Par ailleurs, quand ces femmes aux carrières brillantes se racontent, elles reviennent sur les obstacles rencontrés et remercient le plus souvent leur papa progressiste, leur mentor, leur frère ou leur partenaire, des hommes d’exception qui les ont toujours soutenu et encouragé.

Dans le but d’unir les efforts dans la lutte pour les droits, l’égalité et la reconnaissance du travail des femmes, il faudrait que tous les hommes deviennent des HeForShe et qu’ils prennent conscience de l’asymétrie de genre. Comme le dit Jerry Azilinon, l’éducation a un impact sur le changement d’attitude à l’égard des femmes et des filles. Les hommes et les garçons, considérant leur situation comme étant normale, ne se rendent pas compte des avantages dont ils jouissent et ne ressentent aucun bénéfice de cette situation de privilège qui leur est invisible.

Pour opérer ce changement de regard, il faut attirer l’attention des hommes sur les coûts de l’inégalité, que ce soit au niveau de leur famille, de la société mais également pour eux-mêmes. Une fois convaincus de leur intérêt à participer activement à l’égalité femmes-hommes, les hommes deviennent des acteurs décisifs puisqu’il ne revient plus exclusivement aux femmes de défendre leurs droits à un traitement égal. L’objectif est donc de trouver les bons leviers, dans tous les bastions de l’espace public, pour susciter un engagement fort de la part des hommes qui bénéficiera à l’ensemble de la communauté.

Et comme le dit Jerry Azilinon, « ces dernières, les hommes ont été trop déresponsabilisé par rapport à la place et à tous ces sévices que la femme subit et à un niveau individuel et collectif, il est important que chaque homme prenne le temps d’en discuter avec ses parents, ses aînés, ses semblables, ses collègues,  que ces conversations soient aussi naturels que de parler du dernier match de Liverpool ou de l’Olympique Lyonnais.

L’IMMUNITÉ MÉDIATIQUE, UN PRIVILÈGE MASCULIN ?

TEXTE COLLECTIF

Les médias se font de plus en plus le relais de discours violents et misogynes sur nos corps, nos attitudes, nos comportements et les valeurs que nous sommes supposées incarner et transmettre à notre progéniture

Qui a droit à une immunité médiatique ? L’information est-elle exclusivement masculine ? Comment les représentations des femmes dans les médias contribuent-elles à accroître les inégalités entre les sexes et à imprimer dans les imaginaires féminins et masculins, une image dévalorisante des femmes.

La libéralisation du secteur audiovisuel et la recherche de buzz de la presse en règle générale, accentuent les divisions entre hommes et femmes. Les médias se font de plus en plus le relais de discours violents et misogynes sur nos corps, nos attitudes, nos comportements et les valeurs que nous sommes supposées incarner et transmettre à notre progéniture. Cela se traduit par une essentialisation de la femme sénégalaise respectueuse d’un certain conformisme à l’image de femmes vertueuses dont la qualité est avant tout d’être mère, fille, sœur de personnages illustres de notre histoire. L’on subit l’instrumentalisation exaltée de leur abnégation, de leur soumission, de leur patience, de leur générosité, de leur dévouement qui n’aurait d’autre fonction que de rappeler les « déviantes » à l’ordre et légitimer la domination masculine, en perpétuant une identité féminine figée dans laquelle nous ne nous reconnaissons guère.

La plupart des médias, faits par et pour les hommes, offrent une représentation biaisée des femmes et passent sous silence les oppressions qu’elles subissent. On pense notamment à tous ces articles et émissions télévisées qui, lorsqu’ils décident d’aborder la question des violences faites aux femmes, reproduisent une analyse stéréotypée des situations, sans tenir compte de l’asymétrie du pouvoir entre hommes et femmes et en affichant clairement un parti pris qui perpétue le privilège masculin. Il faut également dénoncer toutes les émissions religieuses qui produisent, à foison, des discours réactionnaires sur les femmes ; celles dans lesquelles des animatrices interrogent des hommes et quelquefois d’autres femmes supposé-e-s savoir ce que les textes religieux prescrivent aux femmes, en matière de soumission à l’ordre moral masculin. Cet angle de traitement de l’information protège les hommes, avec en arrière-plan, l’idée de comprendre leur vécu, sans jamais porter attention aux conséquences de la violence sur les femmes qui la vivent. Il leur est accordé d’office une sorte d’immunité médiatique permettant de les blanchir de tout péché. Rappelons-nous il y a sept ans, une affaire de viol avait défrayé la chronique. Un célèbre journaliste avait été confronté à une jeune femme qui l’avait accusé de viol. Cette affaire renforce ce dont nous parlons aujourd’hui. La quasi-totalité des journaux, radios et sites web avaient participé à blâmer la victime par une sorte de chasse aux sorcières mettant l’emphase sur la victime, en lui reprochant ses comportements jugés non conventionnels. Quant au coupable, après qu’il ait purgé une partie de sa peine de prison, il s’est refait une virginité médiatique. En effet, les médias à sensation mettent souvent davantage la focale sur la victime, en n’hésitant pas à détailler la vie et/ou les agressions subies, le tout accompagné de propos disqualifiants, voire diffamants. A cela s’ajoute une omission des mêmes détails sur les auteurs, leur offrant presque une anonymisation ou transformant certains auteurs de violences en victimes de l’hystérie féminine subséquente. Pour les victimes, le traitement par le buzz, la peopolisation ou la légèreté des termes employés pour parler de ces crimes et situations extrêmement graves par lesquelles elles sont passées ainsi que le sexisme systémique rajouté au sordide, constituent un traumatisme cumulatif. Traumatisme en chaîne, dans un contexte social qui, encore aujourd’hui, impute, aux victimes femmes, la faute de ce qu’elles ont subi. Tout ceci restreint les possibilités pour ces femmes de se relever de telles atrocités. Ce traitement médiatique est aussi désastreux et entravant pour les professionnels de santé, qui faute de pouvoir compter sur un système de prévention et des relais psychosociaux structurés et efficaces, se retrouvent à jouer les pompiers de situations fortement compromises du fait de ces traumatismes cumulatifs auxquels participent bien largement les organes de presse.

Sept ans après cette première affaire, où en est-on ? Le constat est amer. Entre un professeur de philosophie qui fait l’apologie du viol pendant une émission dédiée à la journée internationale des droits des femmes et une femme traitée de folle, car elle a osé parler d’une grossesse contractée hors des liens du mariage, l’on voit que la situation est toujours la même.

Les mobilisations autour des hashtags #Nopiwuma #Doyna #TontonSaïSaï #BalanceTonSaïSaï et plus récemment les sorties sur les réseaux sociaux de Ndella Madior Diouf étaient une belle occasion pour les médias de soutenir les droits des femmes en amplifiant, par une enquête sérieuse, sa voix et celles de centaines d’autres qui vivent une situation similaire ou auraient subi des agressions sexuelles et qui l’ont appelée pour partager leur vécu.

Force est de constater que, depuis l’éclatement de cette affaire, l’angle de traitement des médias demeure sensiblement le même. Les gros titres des journaux dépeignent ces “mauvaises” femmes comme des êtres aux mœurs légères, sans scrupules, de sorte que toute la faute est rejetée sur elles, encore une fois. Le refus de paternité, thème majoritairement traité, donc de responsabilité de l’homme de ses actes, l’est en jetant l’opprobre sur les femmes, et pis même, en faisant intervenir des experts masculins pour la plupart qui viendront expliquer soit d’un point de vue juridique ou religieux une situation qui concerne aussi bien les hommes que les femmes.

Cette démarche n’est nullement cohérente avec le devoir d’informer dans le respect des règles d’éthique et de déontologie. Un travail journalistique sérieux et engagé doit « centrer » les voix des premières concernées. La presse contribue à la socialisation des garçons et des filles, tout en fabriquant et reproduisant des modèles et rôles sociaux. Il serait donc important d’avoir des perspectives journalistiques qui contribuent à démarginaliser les groupes exclus et réduire les inégalités entre les femmes et les hommes à travers des représentations anti-oppressives.

Pour sensibiliser, il faudrait que les médias utilisent des mots plus justes dans la façon de représenter les femmes et qu’ils évitent de minimiser la souffrance des premières concernées par le silence, le sensationnalisme ou encore la banalisation de l’expérience. Un féminicide n’est pas un “drame conjugal”.

Nous proposons que les groupes de presse fassent un travail de fond sur la suppression des stéréotypes, qu’on se questionne sur les choix des invité.e.s, que l’on déconstruise le climat sexiste qui autorise l’expression de propos discriminants sur les plateaux. Une telle démarche ne saurait se faire sans une formation approfondie sur les représentations sexuées des rôles et statuts sociaux et une réflexion sur les préjugés des médias en lien notamment avec la classe, l’origine, les opinions, les choix politiques, l’appartenance religieuse et de réelles stratégies de prise en compte des voix de toutes.

Signataires :

Pr Mame-Penda Ba, UFR Sciences Juridiques et Politiques, Université Gaston Berger Directrice du LASPAD (Laboratoire d’Analyse des Sociétés et Pouvoirs/Afrique-Diaspora)

Dr Selly Ba, Sociologue

Dr Oumoul Khaïry Coulibaly, sociologue et spécialiste genre

Dr Halima Diallo, psychologue sociale et chargée de cours

Dr. Rama Salla Dieng, Lecturer in African Studies and International Development, University of Edinburgh

Fatou Kiné Diouf, commissaire d’exposition indépendante

Ndèye Yacine Faye, Réseau des jeunes femmes leaders d’Afrique de l’Ouest et chargée de communication de Dafa Doy

Mariama Faye, spécialiste en Sciences Sociales, militante des droits des femmes et membre d’Organisations de la Société Civile

Diakhoumba Gassama, juriste, membre des Forum Féministe Sénégalais et Africain et du conseil d’administration de l’Association pour les Droits des Femmes dans le Développement (AWID)

Marame Guèye, Ph.D., Associate Professor of African and African Diaspora Literatures and Gender, Department of English, East Carolina University

Marina Kabou, juriste, doctorante, membre de l’AJS, Coordinatrice du collectif DafaDoy

Ndèye Fatou Kane, études sur le genre, EHESS Paris

Laïty Fary Ndiaye, sociologue, organisatrice communautaire, chercheure associée à l’Institut Simone de Beauvoir (Concordia University) et membre fondatrice du collectif Jàma

Daba Ndione, sociologue

Fatou Warkha Sambe, militante pour le respect des droits de femmes et fondatrice de WarkhaTv

Dr Fatou Sow, sociologue, ancienne chercheuse CNRS/UCAD

Khaïra Thiam, psychologue clinicienne, spécialisée en pathologies psychiatriques et criminologie clinique

Maïmouna Eliane Thior, doctorante en sociologie

VIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE

La journée du Mercredi 11 mars a fait l’objet d’une discussion sur la violence et l’insécurité. C’est donc avec grand plaisir que j’ai pris part à cette réflexion, en lien avec le 8 mars, journée internationale des droits des femmes.

Pour reprendre les thèmes de cette conférence, « Violence et insécurité », quel rôle pour la femme ?, nous nous rendons compte, que si des avancées majeures et significatives ont été fait à l’endroit des femmes, il demeure celui de la question de leur sécurité, de leur appropriation de l’espace public sans être victime de harcèlement, de viols ou de tout autre forme de violences. Les droits des femmes et des filles sont des droits humains.

Les femmes devraient avoir le droit de circuler librement sans toujours se remettre en question.  « Je suis de la Génération Égalité : Et je me lève pour les droits des femmes et pour les droits de toute ma nation ». Et je n’espère ne pas être la seule et que les hommes se retrouveront aussi dans mon combat.

En trois parties, j’ai souhaité aborder avec le public :

  1. D’abord de la violence à l’école
  2. Ensuite de la persistance de la violence à l’égard des femmes dans tous les espaces ;
  3. Pour terminer, des rôles clés que peuvent jouer les femmes ;

Je commencerai par la citation de Nelson Mandela « l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde ». Donc pour détruire un pays, il suffit tout simplement de détruire son système d’éducation et de ne promouvoir que les médiocres.

Or, un établissement scolaire a principalement pour mission d’inculquer des valeurs tels que la paix, la solidarité, l’amour du travail, l’honnêteté, l’intégrité, la quête de l’excellence, de véhiculer le savoir, de permettre aux élèves futurs adultes de demain, de devenir des citoyens autonomes et responsables.

Le milieu scolaire est salutaire et nous pouvons toutes et tous en témoigner. Un bon cursus scolaire nous ouvre les portes de l’entreprise, carrière professionnelle, voyages d’affaires, opportunités mais aussi maison, sécurité, indépendance, autonomie, satisfaction, plaisir, bonheur etc.

De plus, au cours de notre apprentissage, nous avons toutes et tous été marqué par plusieurs enseignants qui n’ont cessé de nous encourager et de nous stimuler, et de nous dire que nous sommes le/ou la meilleure dans un domaine précis. Un bon éducateur traite ses élèves avec respect et courtoisie. Il est à leur écoute et les traite comme des individus pouvant avoir des choses intéressantes à dire et à partager. Un bon éducateur est celui qui aide et guide ses élèves, il suscite l’entraide entre élèves, il intègre les enfants/adolescents en difficultés ; il tient compte du rythme, des talents et des compétences de chacun ; il encourage par la fermeté et la bienveillance. Qu’en est-il de l’influence de l’enseignant sur l’apprentissage des élèves ?

Je me souviens, en classe de CM2, une maitresse me répétait constamment que j’avais une belle plume. Et elle n’a pas été la seule à me le dire, et j’ai souhaité très très fort, me distinguer et au fil du temps, encore, m’améliorer, travailler davantage sur ce qui semblait être un atout chez moi. Et je peux vous dire, qu’il ne se passe pas un jour sans que je n’écrive un texte, un paragraphe, un article… etc.

J’ai une pensée pour cette enseignante de CM2, pour ma prof de maths du collège, ma prof de français du collège, mon prof de philo de la terminale, mes profs d’universités qui m’ont accompagné, qui ont guidé mes pas et m’ont apprécié pour la jeune fille engagée, travailleuse et m’ont toujours dit que je pouvais aller le plus loin possible…

La relation enseignants/élèves est fort précieuse, elle est vitale, indispensable des deux côtés… Beaucoup d’élèves décident de ne plus s’investir dans une matière soi-disant que leur professeur ne les aime pas et que ce dernier, autoritaire et indifférent, les sanctionne en leur donnant de mauvaises notes.

Doit-on améliorer les pratiques pédagogiques ? Peut-on dire ou penser que la valeur ajoutée d’un enseignant, de par sa manière de faire cours, est de pouvoir impacter la vie de ses élèves et d’influencer leur apprentissage. Et par là, d’en améliorer le rendement scolaire des élèves, et particulièrement ceux provenant de milieux défavorisés.

La relation enseignant/élèves n’est jamais facile. D’autant que le rapport à l’autorité a évolué. Les élèves sont de plus en plus irrespectueux et viennent à en oublier que leur professeur représente l’autorité et que leur professeur a toujours raison quel que soit la situation. Comment canaliser cette violence qui gangrène chez les plus jeunes qui démystifient le métier d’enseignant ? Les violences verbales des élèves envers les professeurs font partie du vécu des institutions scolaires, telles que insultes, menaces graves, injures, moqueries, mots blessants en direct, ou sur les réseaux sociaux, qui se prolongent en dehors des heures de cours.

Les enseignants sont aussi soumis à des violences plus insidieuses, qui apparaissent sous la forme de harcèlement, refus de participation, indiscipline, contestation permanente, non-respect des règles, dégradation du matériel, etc. De plus, l’intégrité physique et psychique des femmes enseignantes est davantage mise en danger par les violences et par le harcèlement qu’elles peuvent subir tant dans l’espace public que dans l’espace privé.

Entre bavardages et chahut, ce qui se passe, c’est que les élèves ne suivent pas le cours, gesticulent bruyamment, discutent entre eux, arrivent en retard, ne font pas leurs devoirs, ne font pas les punitions pour certains et cela crée un malaise dans la classe. Cela stimule le laisser-aller des autres qui décrochent aussi alors qu’ils avaient toutes leurs chances de faire une bonne année.

Les conflits et rapports de pouvoirs ne se limitent pas entre élèves et enseignantes. Les filles peuvent être victimes des garçons.

Les problèmes d’indiscipline se rencontrent également en dehors des cours, dans l’école en général. Depuis quelques années, le débat sur les violences et le « sentiment d’insécurité » a pris de l’importance dans les politiques urbaines, dans les médias et dans le champ de la recherche en sociologie. À en croire certains, l’insécurité va croissant, les temps n’ont jamais été aussi peu sûrs.

Les pouvoirs publics prêtent une faible attention à la problématique de la sécurité des femmes dans les villes. Les risques qu’elles encourent dans l’espace urbain sont encore largement appréhendés comme des menaces « naturelles », évidentes, que chacune doit gérer individuellement. Pour une femme, se déplacer seule et fréquenter des espaces collectifs implique donc un risque avéré d’être agressée. Pourtant, les violences masculines qu’elles peuvent vivre ou craindre sont autant d’entraves à leurs libres allées et venues. Il semble légitime, dans ces conditions, de se demander si elles peuvent être des citoyennes « comme les autres ». Comme je le dis très souvent, la rue ou l’espace public appartient aux hommes. Les femmes mettent en œuvre une véritable vigilance mentale.

La vulnérabilité des femmes est donc présentée comme une évidence, une caractéristique « naturelle », qui traverse les époques. Lorsqu’elles sont dans l’espace public, elles se doivent de « faire attention ».

Nombreuses sont les femmes et les filles qui gardent constamment à l’esprit le fait qu’elles risquent de subir des violences. Elles y pensent car elles entendent parler de violences faites aux femmes, partout, dans les réseaux sociaux, dans les médias, dans leur famille, auprès de leur voisinage et elles comprennent qu’elles sont les cibles potentielles. Le fait de subir soi-même une agression ou de connaître une victime constitue un autre facteur augmentant le sentiment d’insécurité. À ce titre, il faut également prendre en considération le fait que la fréquence des violences est liée à l’usage que les femmes font de l’espace public. Les femmes qui sortent seules la nuit sont proportionnellement davantage agressées.

Depuis l’Année internationale de la femme, en 1975 à nos jours, des femmes comme Marie Angélique Savané se sont battues pour une meilleure situation des femmes sénégalaises. Mais on se rend compte que la sécurité des femmes pose problème. Les femmes sont agressées, tuées, en raison de leur genre féminin. Ce qui est désastreux. Ces maux nous ne les réglerons pas uniquement entre femmes. Ce sont des questions de sociétés. Je m’adresse aux hommes progressistes de cette assemblée, vous avez tous des filles, des épouses, une mère, des tantes, des cousines, des amies, vous devez alors vous engager contre toutes formes de violences à l’égard des femmes. Comment aider, par ailleurs, les victimes de traumatismes, de violences conjugales etc.

Les femmes peuvent créer des espaces de parole dans les écoles. Et travailler avec des psychologues. Tout se joue maintenant à l’école.

Il faut donner le maximum de confiance aux élèves, les accompagner dans le bon sens du terme, les conscientiser et les former. Le métier de l’enseignant est bien noble.

Halima

LE CORPS DES FEMMES A L’EPREUVE DU CANCER DU SEIN

Article disponible – en entier – sur le site web WATHI :

https://www.wathi.org/octobre-rose-la-vie-pas-du-tout-en-rose/

Peut-on parler de cancer sans parler de la mort? Nous sommes en octobre et c’est le mois de la sensibilisation sur le cancer du sein, un mal qui atteint toujours plus de femmes. On nous reparle de l’importance du dépistage et de l’autopalpation du sein. Si on se dépiste très tôt, meilleur est le pronostic, meilleurs sont les traitements… nous disent les spécialistes. L’objectif de cette politique publique de santé est de réduire la mortalité, la lourdeur et les séquelles des traitements, avec un dépistage précoce.

Il est donc recommandé d’avoir un avis médical dès que l’on repère une anomalie : une boule dans un sein, des ganglions durs au niveau de l’aisselle, des modifications de la peau du sein et des mamelons, etc. Les cellules cancéreuses dites « métastases » peuvent migrer ailleurs dans le corps. Ces métastases peuvent dangereusement se loger dans le foie, les poumons, les os, le cerveau et la peau. De fait, elles peuvent perturber le fonctionnement normal de ces organes.

L’examen permettant le dépistage du cancer du sein est une mammographie (radiographie des seins), complétée par un entretien médical et une palpation des seins. Aujourd’hui, ces examens sont pris en charge à 100 %  par l’assurance maladie et se font sans avance pour les femmes dans certains pays développés. Mais le dispositif reste insuffisant. Les réticences persistent pour les femmes quant à leur participation à des tests de dépistage : peur de la douleur, appréhension de la mammographie, peur des rayons diffusés…

La suite sur WATHI.org

MA MÈRE M’APPRENDS A DESSINER

J’avais six ans.

Elle m’apprend aussi à coudre et à faire du crochet. J’ai confectionné une robe jaune pour une de mes poupées. Je fais des broderies de mouchoirs et de petites serviettes avec des paniers de fleurs. Elle m’apprend à faire la cuisine aussi, cuire le riz, les pommes de terre à la sauce tomate. Pour devenir une bonne épouse !

J’avais des casseroles de petite taille pour cuisiner. Je jouais à la dînette.  J’obéissais à cuisiner comme une grande, sinon la claque ou le coup de chaussure sur la tête. J’aimais cuisiner pour mon père, pour voir la fierté dans ses yeux, la reconnaissance d’être aimée de lui. Et je mettais encore plus de cœur à l’ouvrage pour le prochain plat à lui présenter pour qu’il soit fier de moi. (…) Dans la tête de mes parents, cela devait être un jeu réel de dînette où je devais bien m’amuser mais pour moi, dans ma tête d’enfant, j’ai compris qu’il fallait savoir cuisiner à la perfection pour être aimée de mon père et de ma mère. Je cherche toujours à être parfaite : bonne cuisinière, maniaque de la poussière, du rangement, du travail bien fait. Même si aujourd’hui ma mère n’est plus là pour me regarder, j’ai souvent l’impression qu’elle est dans mon dos, qu’elle me regarde.

Obliger une petite fille à faire la cuisine, à tricoter, à coudre, quelle belle histoire de culture à l’afghane. Une petite fille doit jouer, s’amuser, se faire plaisir. Se faire du bien, jouer à des jeux d’enfants. S’amuser, rire. J’ai pardonné à ma mère de m’avoir fait subir ce que ses propres parents incultes lui avaient imposé et qu’elle avait reproduit bêtement au nom de la culture, de la croyance et de la bonne éducation. Personne ne s’est posé la question de savoir si c’est bien de le forcer une petite fille à devenir parfaite pour son futur époux, à six ans.

Je suis toujours aussi maniaque, j’aime bien faire la cuisine et j’ai toujours cherché la reconnaissance de ceux qui goutent mes plats. Et quand le « C’est très bon » ne vient pas, j’ai comme une montée de tristesse d’enfant qui n’a pas bien fait la cuisine : donc je ne suis pas aimée ou aimable.  Et cette manière de fonctionner s’est poursuivie… Tout cela pour être aimée de mes parents !

L’amour que doit donner une mère ou un père à son enfant doit être un amour inconditionnel. J’ai eu de la part de mes parents un amour conditionnel. L’amour que je recevais était sous condition de la perfection, de la bonne attitude, de la bonne posture, du bon geste, de la bonne note. Je devais être parfaite pour être aimée. (…) pour trouver un bon mari.

Marie Nabizada : Le chant de mon âme ou L’éveil d’une jeune Afghane,  2012. Éditions Numérique

TOUBAB OR NOT TOUBAB

Qu’entend-on par être toubab ? Je me suis posée la question à Paris. En partant de ma propre histoire, j’ai relu, ici,  et fait une critique des des œuvres de Ken Bugul, Amadou Hampaté Ba, Cheikh Hamidou Kane, Cheikh Anta Diop, Amin Maalouf

A plusieurs reprises, je me suis faite qualifiée de toubab, de blanche… de par ma façon de penser qui ne serait pas conforme aux normes africaines – de l’égalité homme/femme considérée comme un débat stérile, ma façon de parler « un gros français ou un français trop convenable » – tu n’as pas d’accent, As-tu grandi en France ?, ma conduite soi-disant de toubab… Alors que j’ai une peau bien noire et que je suis une peule du Fouta Toro[1] – qui parle le poulaar et qui va au village chaque « grandes vacances » scolaire. Pourquoi mon interlocuteur me voit comme une toubab ? Il est vrai que moi, l’étudiante noire, je suis un produit de la culture française. J’ai baigné dans cette culture depuis mon enfance, j’ai appris l’histoire de France – Clovis le premier Roi des Francs, Charlemagne, la révolution française etc. et mes enseignants étaient des français ; j’ai évolué dans un environnement Blanc.

Et mes grands-parents ont vécu sous la colonisation. Ils ont découvert l’homme Blanc, l’inconnu, dans son étrangeté corporel et vestimentaire, dans ses habitudes toutes nouvelles et différentes des leurs…

Référence au discours de Sarkozy :

          « Les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu’ils devaient penser, ce qu’ils devaient croire, ce qu’ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l’Afrique. Ils ont eu tort. Ils n’ont pas vu la profondeur et la richesse de l’âme africaine. Ils ont cru qu’ils étaient supérieurs, qu’ils étaient plus avancés, qu’ils étaient le progrès, qu’ils étaient la civilisation. Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale. Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre».

Mes parents ont fréquenté la nouvelle école, l’école des blancs, à l’époque coloniale, « afin d’apprendre cet art de vaincre sans avoir raison[2] » pour reprendre les mots de la Grande Royale[3], personnage de Cheikh Hamidou Kane dans l’Aventure ambiguë. Cette femme mythique qui a jugé qu’il était nécessaire que les enfants aillent à l’école des blancs – faire croire à une collaboration pour mieux résister, telle était la stratégie. Pour arriver à ses fins (à ce que les hommes la rejoignent dans son idée), elle bouleverse l’ordre établi (masculin/féminin) en appelant à une manifestation publique : « J’ai fait une chose qui ne nous plait pas, et qui n’est pas dans nos coutumes».

L’Aventure ambiguë[4] de Cheikh Hamidou Kane fait écho à une Afrique postcoloniale en mal d’existence et en quête d’elle-même. Cheikh Hamidou Kane raconte l’aventure de Samba Diallo, passé de l’école traditionnelle africaine à l’Occident – deux cultures antagonistes. J’y reviendrai plus tard.

Si aujourd’hui, aller à l’école en Afrique est devenue banal, encore que, cela dépend des milieux mais pour la génération de mes parents, tous les enfants n’ont pas fréquenté l’école. Au départ, seuls les garçons y allaient, petit à petit… les filles ont pu rejoindre le chemin de l’école, elles aussi.

Amadou Hampâté Ba[5], le sage de Bandiagara, le gardien des valeurs culturelles africaines considéré comme l’une des plus grandes voix de l’Afrique – Il explique que sa mère était contre de peur qu’il devienne un infidèle[6]. Refuser que son enfant aille à l’école était aussi une forme de résistance contre les étrangers.

Pour en revenir au qualificatif de toubab : je pense aussi que si autrui voit en moi une toubab c’est parce que pour lui, l’étranger est encore là. Il n’est pas encore parti et il hante son existence sociale. L’étranger est donc en chacun de nous « toubab ou pas toubab ».

Et pour désigner l’Africain qui a la prétention de jouer au toubab au Sénégal, on parle aussi de toubab bou gnoul (blanc d’esprit à la peau noire) – le Noir ou la Noire aliéné(e), déraciné(e) qui veut se comporter comme le toubab – la pure réplique du blanc. Ou encore le Noir qui trouve sa place dans ce monde Blanc parce que quelque part, on vit encore dans un monde Blanc – Le français est la langue de travail – elle cohabite dans la vie courante avec plusieurs langues nationales dont le diola, le malinké, le pulaar, le sérère, le soninké et le wolof. Le modèle politique, économique et social du Sénégal est calqué sur l’Occident et tous n’adhèrent pas à ce monde ou n’y trouvent pas leur place.

On peut parler aussi de frustration pour celui qui n’est pas toubab, il aimerait bien mais il n’y arrive pas et donc pour se défendre, il rejette l’autre qui pour lui, en fait trop. On peut parler d’une identité « troublée » et instable d’un sujet à un autre.

Il est courant de rencontrer des personnes, qui aiment jouer au toubab, dans leur manière de parler, c’est-à-dire en utilisant un « très gros » français « choco choco » dit-on au Sénégal  c’est-à-dire en roulant les R  à la française au lieu de les laisser rouler à l’africaine. Sur le français en Afrique noire, il peut y avoir énormément de différences d’un pays à l’autre, en raison entre autres des grandes différences existant entre langues africaines, lesquelles ne manquent pas d’exercer leur influence sur le français local ; en outre, plusieurs intonations du français. Il est aussi courant de se moquer de celui qui fait son « choco choco » !

Le contexte colonial a donné une situation actuelle paradoxale et complexe (…) créant ainsi un mélange hybride de plusieurs éléments culturels, historiques et politiques. Ce contexte bien particulier se cristallise dans la couleur de peau blanche tant convoitée (dépigmentation, cheveux défrisés, tissages etc… pour se rapprocher de la peau blanche) et, en même tant détestée[7].

Pour Frantz Fanon[8], dans « Peau noire, Masque blanc », le Noir qui veut devenir toubab doit assimiler aveuglément le mode de comportement supérieur des Blancs envers les Autres. En fin de compte, le Noir devient Blanc en portant un masque blanc en imitant la pensée ethnocentrique des Blancs afin de jouir du même pouvoir vertical que les Blancs envers les Autres. Et Fanon le dit : l’intellectuel Noir, celui qui a fait l’école coloniale, se croit plus toubab que les siens, il se représente différemment ; sa pensée est supérieure ou plus intelligente que celle des autres.

Il m’a semblé important de parler ici de Ken Bugul, c’est une romancière Sénégalaise qui s’est distinguée dans ses œuvres postcoloniales – qui sont aussi des œuvres autobiographiques : Le Baobab fou[9], Cendres et braises[10] et Riwan ou le chemin de sable[11]… qui mettent en exergue la femme de race noire dans un monde blanc.

Les ouvrages de Ken Bugul se situent en Europe (Belgique, France) et en Afrique (Sénégal). Ken Bugul décrit la toubab (noire), qu’elle est, qui rompt avec ses origines africaines et qui en fin de compte n’est pas heureuse car elle est rejetée des deux côtés. Ken Bugul est née et grandit dans un milieu polygame, où les enfants vivent avec les femmes et où les jeux des garçons et des filles sont différenciés. Quand elle revient d’Europe, à l’âge de trente-ans, elle est perçue comme une étrangère auprès des siens. Elle, l’Africaine, la musulmane, d’origine paysanne, aimant l’opéra, le fromage et le vin.

Elle raconte que sa mère accepte de l’accueillir chez elle à contrecœur, et qu’elle doit se cacher.

Ken Bugul en wolof signifie « personne n’en veut ou celle dont personne ne veut ». C’est le prénom que ses parents lui ont donné à sa naissance – on a tendance à donner ce genre de nom aux enfants nés après une suite de fausses couches ou mort-nés. A travers cette pratique, on espère faire peur à l’effet destructeur – c’est aussi une pratique mystique pour préserver la vie. Son vrai nom est Mariétou Mbaye. En outre, elle signe ses œuvres avec Ken Bugul.

En outre, ce prénom qu’on lui a donné Ken Bugul, « celle dont personne ne veut » sera très lourd à porter pour elle. Toute sa vie, elle ressent le sentiment d’être celle dont personne ne veut. A sa naissance (en 1947 à Ndoucoumane  dans la région  Kaffrine, village du Sénégal), son père est âgé de 85 ans, en grandissant elle pense qu’il est son grand-père, sa mère va vivre dans un autre village avec son petit frère.  Elle grandit donc sans ses parents… Au fil de ses œuvres, elle rappelle « cet amour » qu’elle n’a pas reçu, qu’on ne l’a pas aimé.

Après les années d’école primaire, Mariétou Mbaye entreprend des études secondaires au lycée Malick Sy de Thiès, puis passe une année à l’Université de Dakar. Là, elle obtient une bourse d’études qui lui permet de se rendre en Belgique.

A la fin des années 70, elle revient au pays,…elle fuit les clichés et s’interroge sur elle-même. « Celle dont personne ne veut » recherchait le repère du père et de son enfance. Elle finit par le trouver dans sa ville natale, en la personne du marabout – le Serigne – dont elle devient la vingt-huitième épouse. Mariage qui ne sera rompu qu’à la mort de ce dernier. Elle a dit de ce mariage qu’il lui a permis d’exorciser ses contradictions et d’entrer dans une dimension religieuse et spirituelle plus importante que les contingences matérielles et physiques. Elle est apaisée et se réconcilie avec elle-même.

Le Baobab fou raconte l’histoire de Ken Bugul à la recherche du bonheur occidental, elle part pour Bruxelles, vers le « Nord référentiel, le Nord Terre promise ». Elle y découvre, à l’âge de vingt-deux ans, son altérité : « j’étais une Noire, une étrangère ». Attirante – elle est belle et cultivée – elle est dans l’ensemble fort bien accueillie tout en se sentant exclue. Les amis belges sont ravis de se montrer avec cette Noire « qui connait leurs cultures, leurs civilisations » et ils en sont tout aussi surpris. Pour Ken Bugul, le mythe de la supériorité blanche auquel elle voulait tant croire depuis son enfance se désagrège suite à la répétition des mêmes stéréotypes langagiers : Le « chez vous autres » commençait à m’agacer car je comprenais de plus en plus que les Gaulois n’étaient pas mes ancêtres.

Ken Bugul ne retrouvera point ses ancêtres, mais une grande solitude et aliénation savourée de déception comme l’auteure nous l’indique déjà sur la première page du Baobab fou : « Les êtres écrasés se remémorent ».

La supériorité raciale se retourne contre elle-même car, en fin de compte, elle représentera toujours une personne noire bien qu’elle se soumette à la pensée européenne raciste et qu’elle ne sera jamais acceptée dans la société des toubabs comme l’une des leurs. Ken Bugul commence alors à idéaliser la vie au village mais cela n’efface pas son sentiment de non appartenance, d’exclusion et de vide : « je n’avais pas trouvé mes ancêtres les Gaulois et rien à la place[12] ».

Cette admiration pour les toubabs va se transformer en dégoût : Partout j’étais la seule Noire, certes pas l’ambassadrice du peuple noir mais à défaut des Pygmées ou de Masaï à moitié nus, celle qui délirait avec eux Blancs, dans une peau noire (…). J’étais le happening de tout ce monde des arts et des mondanités. (…) Ces gens riches étaient libres de faire ce qu’ils voulaient, ils absorbaient la diaspora pour l’originalité. « Nous avons une amie noire, une Africaine », était la phrase la plus « in » dans ces milieux. La Négresse après les lionceaux et les singes, avec les masques Dogon et d’Ifé. J’étais cette négresse (…), cet être supplémentaire, inutile, déplacé, incohérent (…).

Je n’avais jamais pu parler de moi (…) J’écoutais, je suivais, je participais mais ce n’était pas moi. Ils me dépouillaient, me vidaient, m’étalaient. Saisir l’autre. Un autre moi-même commençait à se sentir responsable[13].

Son mariage avec le Serigne (marabout) dont elle est la vingt-huitième femme va la réconcilier avec ses racines « noires ».

En contextualisant Amadou Hampâté Ba dans Kaydara[14]… Ken Bugul est comme la chauve-souris[15] qui est mammifère parmi les oiseaux et oiseau parmi les mammifères… Toubab chez les siens, Africaine chez les occidentaux… Elle est un être hybride à l’image de la chauve-souris… Opposition du jour et de la nuit. Comment trouver sa place ?

L’Afrique postcoloniale se trouve confrontée à un certain nombre de dilemmes identitaires – les cultures africaines sont hybrides et génèrent des identités multiples – Deux systèmes de représentations culturelles se conjuguent et s’interpénètrent, intégrant les valeurs du monde occidental aux valeurs du monde africain. Amadou Hampâté Ba  écrivait : « L’Afrique prenait contact avec une civilisation qui lui était totalement étrangère : froide, matérialiste, technicienne, qui s’était proposé de la dépersonnaliser pour l’assimiler. Mais elle su  (…) conserver son identité grâce à sa culture, grâce au support de sa culture, la tradition orale définie comme « les souvenirs collectifs d’une société qui n’ont pas revêtu la forme écrite » ou encore comme le modèle de culture en ce sens qu’elle constitue un ensemble cohérent de systèmes de valeurs qui ont leur logique interne (…) ».

Pour Hampâté Ba, le sujet post colonisé doit s’attacher à sa tradition orale, à sa culture africaine pour mieux se connaitre. Cheikh Anta Diop[16] rejoint aussi les propos de Amadou Hampâté Ba :

« Ce sont ces Hyper-civilisés qui en soignant scrupuleusement leur histoire (occidentale), tout en la glorifiant s’acharnent systématiquement à  falsifier la mienne.  Je peux donc déduire de leur attitude qui est toujours conséquente que pour un peuple, il est d’un intérêt inestimable de connaitre sa vraie histoire. L’humanité ne doit pas se faire par l’effacement des uns au profit des autres ; renoncer prématurément et d’une façon unilatérale, à sa culture nationale pour essayer d’adopter celle d’autrui et appeler cela une simplification des relations internationales et un sens du progrès, c’est se condamner au suicide[17]. Ce qui est indispensable à un peuple pour mieux orienter son évolution, c’est de connaitre ses origines quelles qu’elles soient. »

Dans l’Aventure ambiguë, Cheikh Hamidou Kane résume les contradictions d’une société africaine durement bousculée par la colonisation et donc par l’arrivée d’une nouvelle forme de pensée différente. Comment concilier la grande culture africaine, ses traditions et sa pensée et ce qu’a apporté l’Occident lors de la colonisation. Son personnage Samba Diallo est confus comme Ken Bugul. Il ne sait plus qui il est. Samba Diallo a reçu une éducation religieuse musulmane (c’était un disciple brillant, le maitre coranique voyait en lui son successeur), il a été élevé avec les valeurs traditionnelles africaines, il fréquente l’école des blancs suite aux suggestions de sa tante, la Grande Royale. C’est elle aussi qui dit qu’il faut l’envoyer en France pour ses études. Elle arrive à convaincre son frère, le Chef des Diallobé et Thierno, le maitre coranique.

Dans le Baobab fou, Ken Bugul écrivait qu’il fallait être une reine ou une Grande Royale pour se faire écouter – pour elle, les femmes vivent les mêmes choses partout – l’Africaine et la blanche « libérée » – partout les femmes sont réduites à concevoir, admettre, tolérer, servir et se taire[18].

La Grande Royale de Cheikh Hamidou Kane joue un rôle très important dans l’éducation de son neveu – il se passe qu’une fois en France, Samba Diallo rejette tout le bagage culturel hérité de ses ancêtres pour survivre (en France)… une partie de sa propre personne, de son propre « moi » doit mourir. Très vite, il se rend compte qu’à vouloir pénétrer la pensée de l’Occident, sa foi a disparu, la prière lui est devenue étrangère. Il ne croit plus en rien, son éducation religieuse, le travail spirituel acquis, l’espoir de rencontrer Dieu… Tout a disparu ! Sa vie en France a causé sa mort spirituelle car il n’est plus possible pour le héros de retrouver le chemin vers les valeurs ancestrales.

Le récit de Cheikh Hamidou Kane illustre un personnage problématique qui a perdu la vie collective et est confronté à son destin singulier, et qui voit disparaitre la solidarité au profit de l’individuel, le sacré au profit du rationnel et voit la sécurité céder la place à l’angoisse et à l’inquiétude. Au carrefour des deux cultures se place le drame personnel de Samba Diallo, un jeune Sénégalais écartelé entre ses racines africaines, son éducation musulmane et sa formation intellectuelle française. Lorsque son père remarque que son fils a oublié les mérites de la pratique religieuse, il lui ordonne de rentrer. C’est l’échec, il est devenu quelqu’un d’autre. Son retour coïncide avec la mort de Thierno, son maitre coranique. Une visite à la tombe du maitre accroit encore le sentiment de sa perte :

«  Maitre, je ne crois plus grand-chose de ce que tu m’avais appris. Je ne sais pas ce que je crois. Mais, l’étendue est tellement immense de ce que je ne sais pas, et qu’il faut bien que je croie[19]… ».

En proie au doute et au désarroi, le jeune homme refuse de prier au crépuscule sur la tombe du maitre. Il se fait poignarder par un fou – pour qui le fait de ne pas croire en Dieu est sacrilège – Le Fou exprime l’une des voix du peuple : la tendance conservatrice. La mort du héros, provoquée par le fou est une vengeance collective. Samba Diallo est tué non par l’Occident mais par l’Afrique elle-même, une Afrique très exigeante, trop exigeante, peut-être au point de ne lui proposer qu’une alternative : la mort ou l’obéissance à l’ordre.

Le Fou a vécu la même aventure que Samba Diallo, passé de l’école traditionnelle africaine à l’Occident – mais le fou s’accroche à l’éducation religieuse et il garde la mémoire du maitre coranique – il arrive à vivre de nouveau parmi les siens parce qu’il rejette cette hybridité contrairement à Samba Diallo. Le fou représente la lutte contre l’hybridité et la conservation de la religion. Samba et le fou sont deux personnages très proches.

La mort de Samba signifie la fin de l’exil, un monde où il n’existe plus d’antagonisme, plus d’ambiguïté. L’auteur a voulu  montrer la difficulté de vivre l’acculturation. Son œuvre s’adresse à toute l’Afrique et c’est un message qu’il lance aux jeunes africaines des années 1960 pour qu’ils soient conscients des risques qui les guettent, et afin qu’ils cherchent une voie conciliant harmonieusement les cultures dont ils sont imprégnés.

Senghor, quand à lui disait : « nous sommes des métis culturels ». Ni africain, ni sénégalais, ni toubab…

Deuxième partie du discours de Sarkozy :

« Ils (les Européens) ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l’ouverture aux autres, l’échange, le partage parce que pour s’ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l’autre, par la crainte de l’avenir ».

Je pense que nous, peuple post-colonisé, nous avons plusieurs origines d’appartenance et nous devons négocier avec elles pour garder un équilibre – je suis peule de la lignée de El Hadj Oumar Foutiyou Tall[20], je suis torodo[21], je suis musulmane, j’ai fait l’école coranique – comme Samba Diallo, le protagoniste de l’Aventure Ambiguë – tout comme Amadou Hampâté Ba j’ai été guidé sur la voie religieuse et spirituelle et on m’a enseigné la tolérance, l’amour et le respect de tous les êtres[22] – je suis Halimatou[23] Sadiya (prénom que portait la nourrice du prophète Mohamed PSL), je suis Diallobé, je suis sahélienne, je suis « toubab », je suis « traditionnaliste », je suis la Linguère de Nder[24], je suis sociologue, je suis psychologue, je suis marxiste, je suis féministe.

Pour ne pas avoir à choisir entre le jour et la nuit, Hampâté Ba parle de puiser dans nos traditions orales africaines, nos origines, nos racines. Quand à Amin Maalouf[25], il dit que les racines sont liées à l’arbre qui est immobile alors que nous, nous sommes mobiles et que nos identités sont multiples. Par exemple, je porte en moi l’histoire de la Mauritanie, du Sénégal et de la France.

Amin Maalouf écrivait : « Moitié français, donc et moitié libanais ? Pas du tout ! L’identité ne se compartimente pas, elle ne se répartit ni par moitiés, ni par tiers, ni par plages cloisonnées. Je n’ai pas plusieurs identités, j’en ai une seule, faite de tous les éléments qui l’ont façonnée, selon un « dosage » particulier qui n’est jamais le même d’une personne à l’autre.

Parfois, lorsque j’ai fini d’expliquer avec mille détails pour quelles raisons précises, je revendique pleinement l’ensemble de mes appartenances, quelqu’un s’approche de moi pour murmurer, la main sur mon épaule « Vous avez eu raison de parler ainsi, mais au fin fond de vous-même, qu’est-ce que vous vous sentez ? ».

Cette interrogation insistante m’a longtemps fait sourire. Aujourd’hui je n’en souris plus. C’est qu’elle me semble révélatrice d’une vision des hommes fort répandue et, à mes yeux dangereuse. Lorsqu’on me demande ce que je suis « au fin fond de moi-même », cela suppose qu’il y a « au fin fond » de chacun, une seule appartenance qui compte, sa « vérité profonde » en quelque sorte, son « essence » déterminée une fois pour toutes à la naissance et qui ne changera plus ; comme si le reste, tout le reste – sa trajectoire d’homme libre, ses convictions acquises, ses préférences, sa sensibilité propre, ses affinités, sa vie en somme – ne comptait pour rien. »

Ce sont ces multiples appartenances qui font de nous ce que nous sommes ! Toutes ces expériences humaines qui définissent notre identité.

 

 

 

[1] Le Fouta-Toro est une région du nord du Sénégal bordant la rive gauche du fleuve Sénégal entre Dagana et Bakel.

[2] Cet art de vaincre, c’est la colonisation.

[3] La grande Royale est la sœur du Chef  des Diallobé (clan des Diallo). Le narrateur décrit une femme grande et autoritaire, impressionnante, respectée au même titre que le chef. C’est elle qui dit aux hommes d’envoyer leurs enfants à l’école des Blancs.

[4]KANE Cheikh Hamidou, 1961, L’aventure ambiguë, France, Julliard. Grand prix littéraire d’Afrique noire d’expression française en 1962.

[5] Il est connu pour sa célèbre phrase : « En Afrique, quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle ». Amadou Hampâté Ba a mené un combat inlassable en faveur de la réhabilitation des traditions orales africaines en tant que source authentique de connaissances et partie intégrante du patrimoine culturel de l’humanité.

[6] BA Amadou Hampâté, 1993, Amkoullel, L’enfant peul, Paris, Poche.

[7] DIOP Cheikh Anta, 1954, 1979, Nations, Nègres et Culture, De l’antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l’Afrique Noire d’aujourd’hui, Paris, Présence Africaine, 4e Edition, p.17

[8] FANON Frantz, 1952, Peau noire, Masques blanc, Paris, Editions du Seuil.

[9] KEN bugul 1997, le Baobab fou, Dakar, Les nouvelles éditions africaines du Sénégal.

[10] KEN bugul, 1994, Cendres et braises, Paris, l’Harmattan.

[11]KEN bugul, 2005,  Riwan ou le chemin de sable, Paris, Présence Africaine.

[12] Ken Bugul, Le baobab fou, op.cit., p.88.

[13] Ken Bugul, Le baobab fou, op.cit., p.101-102.

[14] BA Amadou Hampâté, 1968, Kaydara, Paris, Julliard.

[15] BA Amadou Hampâté, 2002, « L’origine de la chauve-souris », extrait du recueil « Il n’y a pas de petites querelles », Nouveaux contes de la Savane, Paris, Editions Pocket.

[16] Cheikh Anta Diop (Caytou 1923- Dakar 1986) est un historien, anthropologue, égyptologue et un homme politique sénégalais. Il a mis l’accent sur l’apport de l’Afrique noire à la culture et à la civilisation mondiale.

[17] DIOP Cheikh Anta, op.cit., p.17.

[18] Ken Bugul, Le Baobab fou, op.cit., p.86.

[19] KANE Cheikh Hamidou, op.cit., p.186.

[20] Cheikh Oumar Foutiyou Tall est né à Halwar dans le Fouta-Toro, dans l’actuel Sénégal, entre 1794 et 1797, il est issu d’une famille d’érudits et d’enseignants du Coran et des traditions islamiques. Il livra bataille à l’armée coloniale française et entreprit d’unifier les peuples du Soudan et du Fouta sous la même culture islamique pour s’opposer à ce qu’il juge être une menace pour l’existence et l’identité de son peuple.

[21] Descendante d’une grande famille de notables peuls (la famille TALL).

[22] Pour Amadou Hampâté Ba, la perte des repères culturels et l’incompréhension entre les peuples sont les principales sources de conflits entre les hommes. Il prône la tolérance et milite pour la rencontre des religions et des croyances, ainsi que celle des peuples. Cette démarche est au cœur même de sa pensée et de sa philosophie. Il le souligne dans son ouvrage : « Jésus vu par un musulman », véritable invitation au dialogue religieux, à la tolérance et à l’écoute de l’autre.

[23] Halima est le diminutif.

[24] Les femmes de Nder se sont données la mort suite à une bataille livrée avec des Maures. Elles se sont déguisées en hommes et ont combattu avec l’ennemi pour ne pas être leurs captives et pour ne pas être réduites à l’esclavage. Cet événement date des années 1850. Ces femmes ont montré leur courage. Ce sont des résistantes, elles disent non à l’injustice.

[25] MAALOUF Amin, 1999, Les identités meurtrières, Paris, Grasset.

Halima 

MA FILLE, TU NE SERAS POINT DANS LA FÉMINITÉ ACCOMPLIE

On s’est toutes nourries de ces dessins animés qui ont marqué notre enfance…
 
« Cendrillon, la Belle au Bois Dormant, Blanche Neige, Rapunzel, se caractérisent toutes par la passivité, la beauté, l’innocence et la victimisation. Elles sont de gentilles femmes archétypales, victimes par définition. Jamais elles ne pensent, agissent, initient, confrontent, résistent, défient, éprouvent, prennent en charge, ou questionnent. Quelques fois elles sont forcées de faire le ménage. Elles n’ont qu’un rite de passage. Inertes, elles sont déplacées de la maison de leur mère à celle du prince. D’abord elles sont objets de malveillance, puis objets d’adoration romantique. Elles ne font rien pour justifier ni l’une ni l’autre. »
 (Andrea Dworkin, The Fairy Tales, 1974)
 
 

Il faut croire que les fillettes sont formatées, socialisées, éduquées pour se trouver un mari riche et puissant. En Afrique et notamment au Sénégal, le destin de la femme se situe dans le mariage et la maternité.

En outre, le mariage n’est pas seulement un lien contractuel entre deux individus, il crée un être humain nouveau. La femme perd en quelque sorte son individualité, fondant sa pensée et sa volonté dans celles de l’époux qui joue le rôle d’organe représentatif du couple. La femme mariée n’existe qu’à travers son époux.

Force est de constater, à l’origine de la situation faite aux femmes, il y a l’idée que la nature imposerait à l’homme de régner et à la femme de subir : « quand elle est fille, mère et épouse ».  L’une des pratiques, qui corroborent ce mythe dans la culture sénégalaise, est la polygamie. Le mari peut avoir jusqu’à quatre épouses. Dans ce contexte, cette pratique relève du domaine de la contrainte, de l’arbitraire, et demeure « la preuve criante de l’inégalité des droits entre hommes et femmes ». L’homme devient davantage un maitre qu’un mari. Il impose son nom, se donne la priorité dans le mariage et devient moralement le propriétaire de sa (ou ses) femme(s). La femme appelle son mari Nidiaye c’est-à-dire Tonton ou Oncle. Il faut aussi envisager la différence d’âge entre les époux,  qui renforce le pouvoir du mari car le droit d’ainesse s’ajoute au pouvoir de sexe.

Aussi, les principes de la société sénégalaise soumettent la femme à l’autorité de l’homme et font en sorte qu’elle soit considérée comme un être inférieur sous la tutelle économique, légale et morale de l’homme. Elle doit aussi respect et obéissance à ses beaux parents car la non obéissance est un motif de divorce.

Partant de là, elle doit essentiellement s’occuper des affaires privées de la famille tandis que l’homme s’adonne aux activités importantes dans l’espace public. Gardiennes du patrimoine, elles éduquent différemment filles et garçons et de ce fait, favorisent inconsciemment la pérennité des rapports hiérarchisés entre les genres.  

Les hommes dominent la scène sans que les femmes « pensent » à leur propre condition et donnent leur réflexion. L’imaginaire féminin est emprisonné dans la maison du père et son statut reste fondé sur l’obéissance et la tutelle.

Tout un processus dans la religion, le social et le culturel exclut la femme du pouvoir, renforce sa passivité et limite son ambition dans la recherche d’une place convenable dans la société. La femme est assignée à un statut secondaire et n’a pas droit à la parole.

En revanche, la conquête, pour les femmes, d’une nouvelle vie n’est possible que si elles arrivent à conscientiser leur inconscient c’est-à-dire à penser à leur domination :

« Il va de soi qu’il n’existe pas de pouvoir sans dimension imaginaire et que pour exclure ou subordonner il faut déployer un formidable travail de la pensée, un travail idéologique qui fait apparaitre à la pensée et par la pensée comme légitimes pour toutes les parties en présence les rapports sociaux au sein desquels certaines parties du corps social sont subordonnées à d’autres[1]. »

Les mécanismes de la domination masculine vont s’étendre et prendre appui sur l’imaginaire collectif. Les femmes ont coopéré – trop longtemps – à leur propre subordination raison pour laquelle les hommes n’ont pas éprouvé de résistance en refusant de reconnaitre les femmes comme des individus responsables.

Et pourtant les femmes ont tellement de potentiels…


Halima




[1] GODELIER Maurice, « Les femmes et le pouvoir », Point de vue d’un anthropologue. In Femmes et Histoire sous la dir. de G.DUBY et M.PERROT, Paris, Plon, 1992, p.110.



DOYNA – PENSER LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES

Qu’est ce que la violence contre les femmes :

Il s’agit de tout comportement violent dirigé vers les femmes et qui porte atteinte à leur intégrité physique ou psychique.

Exemples : Ces violences incluent les mariages forcés, grossesses forcées ou avortements forcés, mutilations génitales, lapidations, défigurations à l’acide et autres crimes d’honneur, esclavages, agressions sexuelles et violences conjugales, viols d’épuration ethnique, trafic de femmes, esclavage sexuel, privations traditionnelles ou politiquement tolérées de libertés et droits humains fondamentaux dans la condition féminine.

Au Sénégal, comment expliquer un taux de violence très élevé ?

– Faible taux de rapport concernant la totalité des violences subies par les femmes au Sénégal (les plaintes non abouties ou inexistantes) ?

-Mais aussi la posture adoptée par les femmes âgées de 40 / 44 ans au regard des violences subies par leur semblable ?

-Ignorance ?

-Coutumes et tradition ?

-Négligence des parents, pauvreté des parents ?

-Inégalités de genre ?

-Sexualité précoce ?

-Influence des médias ?  Banalisation des violences de leur part ?

-Autres ?

A qui la faute ?

Est-ce due au fait que les femmes soient moins couvertes ou trop couvertes. Qu’est-ce qui est montré ? Une féminité standard ? Une chute du féminin ? Le fait que les femmes sont réduites à leur corps, au regard, à la fonction d’être regardée ? Est-ce qu’on assiste à une représentation des fantasmes du public ou de leur rejet ? S’agit-il de l’absence de pouvoir des femmes ? Ou de leur « empowerment » ?Cet appel à la libération du corps — et des barrières mentales — est évidemment profondément féministe. Cette photo illustre le quotidien d’une femme qui subit — consciemment ou non — la domination masculine et les injonctions à la féminité.

« Une femme, une vraie se doit d’être habillée de la sorte… ».

Les femmes vivent dans une société patriarcale, avec des codes d’hommes, établis par des hommes et en leur faveur.

Qu’est ce qui pourrait expliquer cette violence ?

Une sexualisation tendant à exacerber la nudité (tatouages etc.) et/ou des stéréotypes imposant une invisibilisation du corps et étouffant la liberté corporelle ?

Images stéréotypées faisant des femmes un objet de soumission et/ou la chosification des femmes dans les médias et dans les publicités ? L’image de la femme objet et la femme séductrice est constamment exaltée. Les femmes sont le plus souvent réduites à un simple corps, un objet de fantasme, de tentation, de désir mais aussi du péché.

Le plus souvent, le type de féminité – victime de violences sexuelles –  véhiculée par les médias est celle de la jeune fille et/ou femme, ignorante, pauvre, asservie, illettrée, prisonnière de la tradition, repliée sur son foyer, centrée sur sa famille, victime, humiliée etc. Les médias ont une responsabilité dans le changement de mentalité.

Les femmes sont-elles vues en négatifs dans la société sénégalaise ? Parle-t-on de féminicides ?

Par définition, le féminicide est le meurtre de plusieurs femmes ou filles en raison de leur condition féminine.

– Bineta Camara est devenue le symbole des féminicides au Sénégal;

– Le cas de Ousmane Mbengue qui a lancé un appel à tuer « toutes les femmes du Sénégal »…

 

-Quand les victimes se racontent, on note une hausse des agressions de viols.

-« Une jeune fille de 12 ans violée puis sauvagement tuée par un déséquilibré, un maître coranique viole 25 fillettes, des viols collectifs commis lors de manifestations contre les délestages et après des combats de lutte, une jeune fille de 16 ans séquestrée et violée des jours durant par six hommes, une femme enceinte violée par un jeune homme de 20 ans » (Source : All Africa).

-Etc. Les cas tirés des médias sont répétitifs.

-Les hommes doivent-ils être construits ou modelés ?

-Si dans la plupart des cas, ce sont les mères qui éduquent, doivent-elles transmettre une éducation différente à leurs jeunes garçons ?

-Doivent-elles pérenniser des rapports de genre plus égalitaires ? Et non contraindre leurs filles à la domination masculine.

La levée du tabou a permis de libérer la parole des femmes

 «  Je portais une jupe et alors »…

« Elle était voilée mais… »

STOP à la culpabilisation des victimes !

De plus en plus, elles sont agressées chez ELLES, dans l’espace privé, dans la cellule famille.

En ce qui concerne les auteurs et autrices de la culture du viol :

Les hommes qui agressent sexuellement ne le font pas par manque sexuel. Il s’agit d’un acte calculé, prémédité :

Différents travaux de psychologie sociale confirment que le viol est le fruit d’une décision rationnelle, dépendant d’un rapport bénéfices/risques. Par ailleurs, les études visant à comprendre le comportement des violeurs en série montrent que ceux-ci ne laissent rien au hasard : le choix de la victime, les méthodes employées pour la piéger et la violer, le lieu de l’agression, etc., sont le fruit d’une réflexion. Le viol est loin d’être la conséquence d’une pulsion incontrôlable.

Outre, le viol n’est pas seulement le domaine exclusif de la masculinité. Le fait qu’une grande partie des abus sexuels signalés sont perpétrés par des femmes est également ignoré.

Les violences mettent en évidence des rapports de pouvoir, hommes/hommes, femmes/femmes ou le plus souvent hommes/femmes. Ceux-ci se caractérisent par un rapport inégalitaire de domination et d’emprise de l’auteur sur la victime. Par ses propos et comportements, l’auteur veut contrôler et détruire sa partenaire, pour qui les conséquences sont désastreuses : peur, honte, culpabilité, perte de l’estime de soi, isolement, stress post traumatique.

Les violences subies au sein du couple ont des répercussions sur les enfants :

Elles ont également un impact particulièrement néfaste sur le bien-être psychologique, neurologique et social de l’enfant qui y est exposé. Les agressions physiques, sexuelles, psychologiques qui constituent la violence, créent un climat de vie quotidienne marqué par l’insécurité, l’instabilité et la menace pour l’enfant. Ce climat de terreur l’affecte dans sa construction et son développement. Ces enfants témoins de violences dans le couple – sont aussi bien considérés comme des victimes.

Les châtiments corporels et autres formes « cruelles ou dégradantes de châtiments » sont, aujourd’hui encore, « des types largement acceptés et répandus de violence contre les enfants ».

Un enfant victime de maltraitance présente souvent des problèmes scolaires : résultats en très forte chute ou variables, dyslexie, dysorthographie, problèmes de concentration ou d’attention.

La violence détruit des vies…

Gifles, coups de poings, de pieds, de tête, morsures, coups avec une ceinture, une chaine, un fouet, un bâton, une canne, coups avec un pilon, louche ou tout autre ustensile de cuisine, brulures avec cigarette ou braise, ligoté ou enchainé pour être battu… Etc.

La violence est partout. Aussi bien dans la sphère privée que dans la sphère publique. Il faudrait alors prendre des mesures contre cette violence. Car, elle favorise un climat de peur et de crainte. Elle bafoue la dignité des victimes. Des corps sont en souffrance. La violence rend t-elle malade ?

Les enfants victimes de violence (ou encore témoins de violence) sont submergés émotionnellement de cette situation.Les violences conjugales peuvent entraîner chez les femmes comme chez les enfants, quel que soit leur âge, un état de stress important. Ce stress n’est pas à négliger. Car, il peut conduire à des symptômes comme l’état de stress post-traumatique.

L’état de stress post-traumatique (ESPT) est un état se caractérisant par le développement de symptômes spécifiques faisant suite à l’exposition à un événement traumatique dans un contexte de mort, de menaces de mort, de blessures graves ou d’agression sexuelle. La personne atteinte de stress post-traumatique souffre de “flashbacks” l’amenant à revivre de façon répétée la situation stressante sous forme de cauchemars ou de souvenirs obsédants. Cette réitération s’accompagne d’un certain nombre de symptômes parmi lesquels une grande anxiété – la personne est sur le “qui-vive” – ce qui peut conduire à des idées et des actes suicidaires, une grande fatigue psychique, un comportement de détachement et d’insensibilité par rapport aux autres, une anhédonie majeure, et des comportements d’évitement de toute situation susceptible de rappeler le traumatisme.

L’anhédonie est l’un des symptômes de la dépression. Déficit de la capacité de ressentir du plaisir et de s’intéresser aux choses. Elle est caractérisée par un manque d’engagement et d’énergie pour les expériences de la vie.

Comment prendre en charge ces victimes traumatisées ?Elles peuvent s’enfermer dans le silence, désespérer de leur état, souvent mal vécu par leur entourage. Ou à l’inverse, c’est la famille qui leur demande de garder le silence. Les familiers imposent le silence aux victimes car ils ont diagnostiqué que « dire le malheur, c’est déjà le faire exister, comme si la parole avait le pouvoir de réaliser en acte ce qui n’est encore qu’un énoncé » (Duval 1992). « Il ne faut plus en parler, sinon ça va recommencer. » Ou bien, ils pensent que parler équivaut à une nouvelle torture pour celui qui a été déjà éprouvé. « Il ne faut plus qu’elle en parle, c’est du passé, c’est du passé, et ça lui fait mal ». L’impact de la violence subie et du travail psychique de reconstruction relève de la psychologie clinique; Il faut libérer la parole. Les victimes doivent oser en parler… Pour espérer guérir d’un choc post-traumatique.

Les violences sont des questions de santé publique.

Est-ce que cela fait partie de nos priorités ?

Les violences devraient-elles être médicalisées ?

                                                                                                          Halima