MA MÈRE M’APPRENDS A DESSINER

J’avais six ans.

Elle m’apprend aussi à coudre et à faire du crochet. J’ai confectionné une robe jaune pour une de mes poupées. Je fais des broderies de mouchoirs et de petites serviettes avec des paniers de fleurs. Elle m’apprend à faire la cuisine aussi, cuire le riz, les pommes de terre à la sauce tomate. Pour devenir une bonne épouse !

J’avais des casseroles de petite taille pour cuisiner. Je jouais à la dînette.  J’obéissais à cuisiner comme une grande, sinon la claque ou le coup de chaussure sur la tête. J’aimais cuisiner pour mon père, pour voir la fierté dans ses yeux, la reconnaissance d’être aimée de lui. Et je mettais encore plus de cœur à l’ouvrage pour le prochain plat à lui présenter pour qu’il soit fier de moi. (…) Dans la tête de mes parents, cela devait être un jeu réel de dînette où je devais bien m’amuser mais pour moi, dans ma tête d’enfant, j’ai compris qu’il fallait savoir cuisiner à la perfection pour être aimée de mon père et de ma mère. Je cherche toujours à être parfaite : bonne cuisinière, maniaque de la poussière, du rangement, du travail bien fait. Même si aujourd’hui ma mère n’est plus là pour me regarder, j’ai souvent l’impression qu’elle est dans mon dos, qu’elle me regarde.

Obliger une petite fille à faire la cuisine, à tricoter, à coudre, quelle belle histoire de culture à l’afghane. Une petite fille doit jouer, s’amuser, se faire plaisir. Se faire du bien, jouer à des jeux d’enfants. S’amuser, rire. J’ai pardonné à ma mère de m’avoir fait subir ce que ses propres parents incultes lui avaient imposé et qu’elle avait reproduit bêtement au nom de la culture, de la croyance et de la bonne éducation. Personne ne s’est posé la question de savoir si c’est bien de le forcer une petite fille à devenir parfaite pour son futur époux, à six ans.

Je suis toujours aussi maniaque, j’aime bien faire la cuisine et j’ai toujours cherché la reconnaissance de ceux qui goutent mes plats. Et quand le « C’est très bon » ne vient pas, j’ai comme une montée de tristesse d’enfant qui n’a pas bien fait la cuisine : donc je ne suis pas aimée ou aimable.  Et cette manière de fonctionner s’est poursuivie… Tout cela pour être aimée de mes parents !

L’amour que doit donner une mère ou un père à son enfant doit être un amour inconditionnel. J’ai eu de la part de mes parents un amour conditionnel. L’amour que je recevais était sous condition de la perfection, de la bonne attitude, de la bonne posture, du bon geste, de la bonne note. Je devais être parfaite pour être aimée. (…) pour trouver un bon mari.

Marie Nabizada : Le chant de mon âme ou L’éveil d’une jeune Afghane,  2012. Éditions Numérique

Halima Titulaire d’un doctorat de psychologie sociale à l’Université Sorbonne Paris Nord, mes travaux de recherches sont centrés sur le féminisme et l’égalité de genre. En tant que travailleuse humanitaire et actrice de développement, je soutiens aussi l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes en participant à l’implémentation du genre dans plusieurs projets de développement. En 2022, j’ai été invitée par le chancelier Olaf Scholz, en tant que championne de l’égalité des sexes, à rejoindre le Conseil Consultatif de l’Egalité de Genre (GEAC) du G7 et à formuler des recommandations dans l’agenda des chefs d’Etats du G7. En tant que Championne de l'égalité des sexes du GEAC_G7, j'ai eu le privilège de représenter un groupe de nations puissantes engagées en faveur de l'égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes. Mon rôle a consisté à plaider en faveur de politiques et d'initiatives qui visent à promouvoir l'égalité des sexes à l'échelle internationale.

2 Comments

  1. Très intéressant fait de société dans le rôle que doit jouer une femme dans le sens ou c’est une valeur que l’on retrouve un peau partout dans le monde entier.

    Mais ce qui est regrettable c’est le fait de voir ce modèle d’éducation se prolonger cela malgré un contexte évoluant.

    Cette manière de voir la jeunes filles reste ancré dans les mentalités

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